Les voyages font partie de ma vie depuis ma tendre enfance et m’ont ouvert une fenêtre sur notre monde qui me sert encore grandement aujourd’hui. Un de mes souhaits les plus chers était donc de léguer le goût du voyage à ma propre fille. Afin qu’elle soit en mesure de se créer des souvenirs qu’elle emportera dans son esprit tout au long de sa vie, j’ai attendu qu’elle atteigne ses douze ans pour faire avec elle un mini-tour d’Europe. C’est aux alentours de Madrid que l’aventure a commencé, plus précisément dans les villages historiques de Tolède, de San Lorenzo et de Ségovie, tous accessibles à moins d’une heure de voiture depuis le centre-ville de Madrid.
TOLÈDE
Après la traditionnelle journée tranquille de zone-tampon à prévoir lorsqu’il y a un décalage horaire et que l’on voyage avec des enfants ou de jeunes adolescents, nous débutons notre aventure à Tolède.
Tolède a été fondée par les Romains en 192 av. J-C en haut d’une montagne, ce qui lui donnait une position stratégique enviable. Offrant des trésors historiques se déclinant en plusieurs époques, la ville est un bonbon pour les yeux et l’esprit.
Nous arrivons par un chemin sinueux entre des collines qui nous offre une vue d’ensemble pittoresque des lieux. Nous sommes immédiatement transportés à l’époque médiévale. Notre entrée dans la ville est soulignée par une chaleur imperturbable provenant d’un soleil qui tape, sans humidité. Les chaleurs de sécheresse. Chapeaux et casquettes sont de mise, car à 42 degrés celsius à la mi-juillet, les tête brûlent.
Mais à la quantité de monuments à visiter en une journée, pas le temps de brûler trop longtemps. Avant de commencer nos visites, il est impérial de casser la-croûte sur l’une des terrasses longeant les petites rues piétonnes de pierres qui sillonnent la ville. Celle à laquelle nous nous assoyons propose une gaspacho fraîche et un plat de jambon mais surtout, des jets de brume autour des parasols, qui nous rafraîchissent aux trois minutes. Le service y est d’une lenteur exemplaire et nous gardons en tête de nous nourrir avec un sandwich lors de nos 2 prochaines journées de visite, pour ne pas perdre presque deux heures à l’attente de nos plats et surtout éviter une addition salée bien au-delà de la qualité du repas.
Nous marchons ensuite jusqu’à l’Alcazar, une énorme structure datant du IIIe siècle qui a d’abord servi de palais aux Romains avant d’être restaurée au XVIe siècle par Charles 1 er et son fils Philippe II. Abandonné par la suite, l’Alcazar fut transformé au XVIIIe siècle en académie militaire, détruit partiellement par un incendie en 1886, rénové puis presqu’entièrement détruit en 1936 après un siège de deux mois lors de la guerre civile espagnole. Aujourd’hui, l’Alcazar abrite la bibliothèque de Castille-La Manche et le musée de l’armée.
Peu de gens s’y trouvent en ce milieu de juillet et le palais est à nous, rendant la visite d’autant plus agréable. On y monte vers la grande terrasse d’où on a une vue exceptionnelle à 180 degrés de la ville et des campagnes environnantes. Rivière, collines, châteaux, le cœur de l’Espagne s’offre à nous. Ma fille est impressionnée mais a hâte de manger une crème glacée. Il est très facile de trouver des gelati en Espagne et nous nous faisons une mission d’en manger un à chaque ville que nous visitions. Je lui promets sa crème glacée si elle m’accorde un passage au Musée de l’Armée, magnifiquement conçu, qui nous donne des informations et des détails fort intéressants sur l’histoire militaire espagnole.
Notre marche continue vers la Cathédrale de style gothique Sainte-Marie-de-Tolède, construite à partir de 1226. Elle est majestueuse mais son intérieur fait quelque peu peur à ma fille. Les scènes religieuses y sont peintes de couleurs sombres, avec une mise en scène violente qui reflète les époques que le monument a traversé. L’immensité du bâtiment et sa noirceur parsemée de bougies allumées lui donnent la chair de poule. Nous quittons les lieux rapidement mais de mon côté, je garde un souvenir égal à celui que je conserve de toutes les cathédrales gothiques d’Europe : l’émerveillement face aux splendeurs et au génie architectural du passé.
Notre dernier arrêt est la Synagogue El Transito, beaucoup plus petite et moins sombre que la Cathédrale. Son histoire est fascinante. Érigé en 1356, El Transito a été reconverti en église suite à l’expulsion des Juifs d’Espagne sous le décret de l’Alhambra en 1492. En 1877, le bâtiment est devenu un monument national, puis un musée sépharade en 1910. Paisible et décoré de mille et une frises et inscriptions, ce lieu est un espace de tranquillité, un havre calme, tout comme le quartier juif qui l’entoure. C’est un de nos coups de cœurs de la ville.
SAN LORENZO
La journée suivante, le monastère de l’Escorial à San Lorenzo est au programme. Un peu comme Tolède, San Lorenzo est perché au-dessus des terres avoisinantes, ce qui assure à ses visiteurs une vue magnifique sur les collines avoisinantes et l’horizon qui les entourent. L’Escorial domine la ville. On ne voit que lui et on retient notre souffle devant sa majesté. Au cours de sa vie, ce palais a servi de monastère, de résidence royale, de bibliothèque, de panthéon, d’école et d’hôpital et est aujourd’hui un merveilleux musée à explorer. Entre sa bibliothèque ancienne remplie de livres dont une grande partie porte sur la philosophie, le palais des Habsbourg et le palais des Bourbons, les appartements de Philippe II et de la reine, la Cour des rois, la chapelle, le panthéon où dorment en paix (je l’espère!) les âmes de la royauté d’Espagne, les férus d’Histoire ne voudront plus jamais repartir!
Ma fille préfère les vastes jardins, taillés à la perfection, qui entourent la moitié de l’Escorial (une immense terrasse est au pied de l’autre moitié du monument). Ces jardins inspirent la paix et offrent une pause pour l’esprit. Une vue à couper le souffle, les parfums des fleurs et des herbes, l’ombre que procurent les hauts murs du palais, les champs à perte de vue…comment ne pas vouloir y prolonger le temps ?
La journée se termine dans les rues du bourg, très agréable à sillonner à pied, un cornet de gelato à la main. S’y trouvent plusieurs plazas escamotées auxquelles on accède par des escaliers de pierre, avec de jolis cafés et des petits bistros où touristes et habitants trinquent sous les parasols. La beauté de notre journée nous fait oublier la chaleur qui se maintient depuis notre arrivée sur la péninsule ibérique.
SÉGOVIE
Notre troisième journée de découvertes s’amorce à Ségovie, un autre bijou de petite ville médiévale située dans les environs de la capitale ibérique. Trois monuments historiques sont au programme, l’Aqueduc romain, la Cathédrale et le château. Entourée des montagnes Guadarrama d’un côté et des plaines de la Vieille-Castille de l’autre, Ségovie offre du haut de fortifications une vue d’une beauté inoubliable.
Nous ne nous arrêtons pas à l’Aqueduc romain mais notre entrée dans la ville nous permet de le voir dans toute sa splendeur. L’intelligence du système et de son architecture est impressionnante. Nous conduisons un moment sous son ombre puis nous montons une des rues qui mène à un stationnement souterrain sous la ville fortifiée. Ségovie se fait à pied. Entre plazas et cours, monastères et églises, le bourg est un musée en soi.
Nous commençons par le château, l’Alcazar de Ségovie, bâti sur une péninsule rocheuse entre les rivières Eresma et Clamores. La première mention de ce joyau est datée de 1122, ce qui en fait une forteresse médiévale avec tout ce que cela comporte : deux tours, deux cours intérieures, une chapelle, les appartements des nobles, des artéfacts de guerre et une terrasse sur la pointe de la roche avec des meurtrières stratégiquement placées. C’est toujours un plaisir pour les jeunes de visiter un château médiéval où ils peuvent mettre en images tous les contes et les films historiques qui ont bercé leur enfance. Un des highlights de notre voyage. Ça vaut la peine de prévoir un avant-midi ou en après-midi complet pour visiter l’Alcazar.
Avant de partir à la recherche de notre gelato, nous passons par la Cathédrale de Ségovie, la dernière de style Gothique à avoir été construite en Espagne. Elle porte bien son surnom, la « Dame des cathédrales ». Son blanc manteau inspire le respect, elle a l’allure d’une dentelle dans la ville. Elle domine une grande place où bourdonnent plein de gens, touristes et habitants, entre cafés, restaurants, boutiques et… marchands de gelato! Nous nous assoyons sur des marches de pierre, sous une colonnade pour déguster notre récompense du jour.
Malasaña
Avant de poursuivre notre périple européen (nous visiterons dans les semaines suivantes Londres, Paris, Marseille, Cannes, Gourdon, Berne, Gruyère et Fribourg), nous passons notre dernier après-midi espagnol dans le quartier Malasaña de Madrid, avec au programme un spectacle de Flamenco. Malasaña est probablement le quartier le plus hip de Madrid, rappelant même l’ambiance de Barcelone à certains endroits. C’est également là que se trouve le village gay, ses couleurs, ses petites boutiques de bijoux et d’artisanat. Il est facile de s’égarer dans le dédale des petites rues, en se promenant entre les églises, le Musée de l’Histoire de l’Espagne, les magasins des grandes chaînes de la rue xoxoo et les immeubles d’appartement.
Nous retrouvons notre chemin jusqu’au Teatro Flamenco de Madrid. Oui, c’est un spectacle conçu pour offrir un survol de la culture flamenco aux touristes, avec au moins deux représentations par jour, mais le spectacle est beau et bien monté. On y met en valeur autant la danse que le chant, la guitare et le cajón du flamenco. Les danseurs et les musiciens s’y donnent entièrement à leur art. Les costumes traditionnels sont beaux, les décors sont simples et même si le spectacle ne dure qu’une heure, nous en ressortons avec l’impression d’en avoir eu pour notre argent et d’avoir appris des choses nouvelles sur les différents rythmes du flamenco.
Nous avons fortement apprécié nos cinq jours en Espagne. En ayant comme camp de base l’appartement d’un ami situé à Las Rozas, à vingt minutes du centre-ville de Madrid, nous étions proches de tous ces lieux qui, bien que des mêmes traditions historiques, sont très différents les uns des autres. L’avantage est que chacune de ces petites villes se visitent très bien en une journée, ce qui permet à ceux qui ont peu de temps en Espagne d’en voir beaucoup sans trop se déplacer.
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Crédits photo couverture : Florence Khoriaty Riley
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